ATTAQUES DES GROUPES TERRORISTES AU NORD DU BÉNIN : Réflexions du Professeur Juste Codjo
C’est avec une profonde douleur que j’ai lu les publications de presse rapportant une attaque contre une position des forces armées béninoises par des assaillants terroristes dans la nuit du 1er au 02 décembre 2021. Je me joins à tous et à toutes pour exprimer mes condoléances aux familles des soldats tombés au front et souhaiter un prompt rétablissement aux blessés. C’est aussi le lieu de témoigner notre solidarité à ceux qui ont la lourde responsabilité de défendre nos espaces frontaliers en ces moments critiques.
Cela dit, nous citoyens, avons la responsabilité d’amener nos dirigeants à accorder beaucoup plus d’attention à ces incidents et aux implications qui en découlent pour notre bien-être collectif. Dans une démocratie qui fonctionne, j’aurais invité la Commission Défense et Sécurité de l’Assemblée Nationale à ouvrir en urgence une enquête parlementaire. Les premiers invités à comparaitre devant la Commission seraient le ministre en charge de la défense, le chef d’état-major général, et le chef d’état-major de l’armée de Terre. Suivrait ensuite une délégation des responsables de la sécurité intérieure composée notamment du ministre de la sécurité publique, du directeur de la police républicaine, et du directeur de la direction des services de liaison et de documentation. Comparaitraient aussi le ministre en charge des finances et celui des affaires étrangères.
Les échanges des parlementaires avec les responsables des forces de défense et de sécurité auraient permis à la Commission Défense et Sécurité d’obtenir d’eux un état des lieux actualisé sur l’ampleur et la nature des menaces, les plans de prévention, de dissuasion et de riposte de nos forces en relation avec d’éventuelles futures attaques, les vulnérabilités du dispositif sécuritaire actuel, et une liste des besoins de tous ordres. La comparution des responsables des finances et des affaires étrangères permettrait d’obtenir un engagement du pouvoir exécutif à consacrer des efforts immédiats pour soutenir les actions des FDS à travers un appui budgétaire conséquent et une offensive diplomatique aussi bien dans la sous-région qu’au-delà. Ma dernière recommandation à la commission parlementaire serait d’effectuer une visite aux unités de défense et de sécurité déployées dans les zones à risque pour s’enquérir des réalités du dispositif sécuritaire de première ligne. Des informations qui me sont parvenues il y a moins de deux semaines et dont je ne peux révéler le contenu ici décrivent des conditions de travail inquiétantes des postes avancés mis en place au sud de la frontière avec le Burkina Faso.
Pour avoir conduit des unités militaires dans des situations de combat et de crise, j’imagine les frustrations et le sens d’abandon qui animent ces hommes et femmes à qui nous demandons d’exposer leurs vies sans leur démontrer que nous leur accordons en retour toute notre attention et tout notre soutien en tant que société. Une enquête parlementaire telle que décrite plus haut aurait, entre autres choses, l’avantage de contribuer à remonter le moral des personnels de défense et de sécurité tout en mettant une pression sur le pouvoir exécutif dans son ensemble. Mais comme je l’ai souligné plus haut, les recommandations décrites ici n’auraient de sens que dans une démocratie dans laquelle les institutions de contre-pouvoir jouent leur rôle constitutionnel de contrôle de l’action gouvernementale. Il ne nous reste qu’à espérer un sursaut patriotique de la part de nos dirigeants ou prier pour une indulgence des groupes dits djihadistes.
Dr. Juste Codjo
Ancien Officier Supérieur des Forces Armées Béninoises Professeur de Sécurité Internationale
New Jersey City University