Marchés publics/Mairie de Porto-Novo: Pourquoi Charlemagne Yankoty est blanc comme neige
(Les irrégularités observées relèvent exclusivement de l’administration technique)
L’un des objectifs majeurs de la réforme structurelle dans le secteur de la décentralisation au Bénin est la séparation claire des fonctions politiques des fonctions administratives et techniques. Cette nouvelle vision prônée par le Président de la République, son Excellence Patrice Athanase Guillaume TALON, vise à améliorer la gouvernance locale, à professionnaliser l’administration communale et à responsabiliser les acteurs sur la base de leurs attributions respectives. C’est ce que consacre du moins l’article 56 du Code de l’Administration Territoriale en vigueur en République du Bénin depuis 2021. Cet article précise que : «Le Conseil Communal est le principal organe délibérant de la commune. Le Conseil Communal définit les orientations politiques de développement de la commune et, dans ce cadre, délibère sur les documents de politique, de stratégie et de planification. Le Secrétaire Exécutif est l’organe administratif et technique de la commune.»
Ainsi, la réforme confère au Secrétaire Exécutif une place centrale dans la gestion opérationnelle de la commune, le positionnant comme garant de l’efficacité administrative et de la bonne exécution des orientations définies par le Conseil Communal. Cette responsabilité est clairement renforcée par les dispositions de l’article 132, alinéa 6, qui stipule que : «Le Secrétaire Exécutif veille à la bonne planification et à l’exécution des marchés publics communaux.». De plus, l’article 134, alinéa 3, stipule que «Le Secrétaire Exécutif de la commune est l’autorité approbatrice des marchés publics.»
Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions que le Maire, organe politique, n’intervient plus dans la gestion administrative et technique de la commune, y compris dans le domaine de la commande publique. Par voie de conséquence, toute irrégularité constatée dans la passation des marchés, y compris les marchés sous seuil de dispense, relève donc exclusivement de la responsabilité de l’administration technique de la mairie, sous l’autorité du Secrétaire Exécutif.
Le rappel des faits
Du 02 au 30 décembre 2024, l’Inspection Générale des Finances (IGF) a procédé à un audit de vérification de la gestion des ressources propres au niveau de la commune de Porto-Novo au titre des années 2022, 2023 et 2024. Cet audit a révélé de graves irrégularités dans la gestion des marchés publics pour la période susmentionnée.
Du 08 au 11 janvier 2025, la Cellule de Contrôle de la Gestion des Communes (CSCGC) a effectué un audit de routine à la mairie de Porto-Novo et a confirmé les mêmes irrégularités. Par courrier en date du 31 janvier 2025, la CSCGC a saisi l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) pour graves présomptions d’irrégularités relatives aux procédures de passation des marchés sous seuil de dispense.
Des échanges de correspondance ont eu lieu entre la mairie de Porto-Novo et les institutions compétentes afin de clarifier les faits.
Au regard de la gravité des faits, l’ARMP s’est autosaisie et a mené une instruction complète. Il a été révélé que le montant total des marchés sous seuil réalisés pour les exercices budgétaires 2023 et 2024 s’élève respectivement à 139.891.669 F CFA et 139.397.361 F CFA, alors que les montants validés par la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publiques pour ces années étaient nettement inférieurs (37.055.000 F CFA en 2023 et 11.300.000 F CFA en 2024).
Dans le respect du contradictoire, l’ARMP a auditionné les agents concernés et leur a donné la possibilité de produire les pièces justificatives manquantes. À l’issue de cette procédure, l’ARMP a confirmé la violation de la réglementation en matière de marchés publics au titre des exercices 2023 et 2024.
Par décision n°2025-047/ARMP/PR/-CR/CD/SP DRA/SA du 27 mars 2025, l’ARMP a exclu de la commande publique en République du Bénin pour une durée de cinq (05) ans, à compter du 31 mars 2025, Mesdames ESSOU Oboubé Mahouéna Isabelle Aimée, Secrétaire Exécutive, et BIO Chérifatou O., Directrice des Affaires Administratives et Financières (DAAF) de la commune de Porto-Novo.
En conséquence, la Cellule de Suivi et de Contrôle de la Gestion des Communes (CSCGC), par courrier n°067/SGPR/SCGC du 1er avril 2025, a demandé au Maire de prendre sans délai les mesures urgentes suivantes : suspension de la Secrétaire Exécutive, suivie de la procédure disciplinaire pour sa révocation conformément aux articles 143 et suivants de la loi 2021-14 ; et la désignation du Directeur du Développement Local et de la Planification (DDLP) comme Secrétaire Exécutif intérimaire. Ce dernier se chargera de la rupture du contrat de travail à durée déterminée de la DAAF.
Eviter de politiser cet acte
Il convient de souligner, conformément au cadre juridique précité, que le Maire n’a aucun rôle ni pouvoir décisionnel dans les procédures de passation et d’approbation des marchés publics, y compris les marché s sous seuil. En tant qu’autorité politique, il n’exerce que des fonctions de délibération et d’orientation stratégique à travers le Conseil Communal. Lui imputer des irrégularités purement techniques et administratives relève donc d’une grave confusion des rôles.
Pire, une telle imputation trahit une absence totale de champ lexical et conceptuel chez toute personne ne maîtrisant pas les réformes profondes engagées dans le secteur de la décentralisation par le Chef de l’État. La clarté du cadre normatif, la rigueur des attributions et la structure de responsabilité telle qu’établie dans le Code de l’Administration Territoriale ne laissent aucune place à l’ambiguïté.
La séparation des fonctions, telle qu’instaurée par la réforme de la décentralisation, vise à garantir la reddition des comptes selon les responsabilités effectives des uns et des autres. Ainsi, la gestion défaillante de la commande publique, révélée par les audits et confirmée par l’ARMP, engage exclusivement la responsabilité des acteurs techniques à savoir le Secrétaire Exécutif.
En aucun cas, le Maire ne saurait être tenu pour responsable les actes sur lesquels il n’a ni autorité ni compétence.
A.Z.