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Port des chaînes ou perles aux pieds: Mode ou mot de passe, un dualisme entre le physique et le spirituel

Une parure glamour pour séduire. Telle est l’apparence que donne le  port des chaînes ou perles aux pieds par les femmes. Une mode qui connaît un regain ces derniers temps quand bien même les significations culturelles et cultuelles sont diverses que variées. Cependant, outre les préférences qui diffèrent en fonction des goûts, il est nécessaire de mettre cette parure de manière appropriée.

Dans une offre concurrentielle, le port des chaînes ou perles aux pieds par des femmes prend de plus en plus de l’ampleur ces derniers temps. En Afrique et plus précisément au Bénin, cette pratique  a des significations culturelles et cultuelles  diverses que variées. D. Olivia, une franco-béninoise,  troisième fille d’une fratrie de 5 enfants porte une chaîne à la cheville gauche avec une petite médaille en forme de la lettre « A ». A en croire cette jeune femme, la trentaine environ, le port de la chaîne au pied signifie que les liens de fiançailles sont désormais établis et reconnus par sa famille et dans sa communauté avec Achille,  l’élu de son cœur. Ce qui annonce sous peu la dot et le mariage.

Une pratique, des messages

Tout comme d’autres femmes, l’utilisation des chaînes ou perles aux pieds a des aspects codifiés au-delà de la simple mode. Pour Anagonou Kinilogoun, adepte du Vodoun Sakpata et « Tassinon » (Femme qui fait les cérémonies en communion avec les mânes des  ancêtres. Ndlr) dans la Cour Royale Guézo, le port de perles aux pieds intervient au moment où il faut être en contact avec les mânes des ancêtres. « Nous nous parons de nos perles aux pieds lors des cérémonies solennelles de prières et de sacrifices pour rester en phase avec nos ancêtres. Ce qui nous permet d’être en contact direct avec eux. Nous les portons aussi pour célébrer notre divinité, Sakpata », a-t-elle déclaré. Pour Fidèle Vodounon, Journaliste, Chercheur en spiritualité africaine, la perle est avant tout un objet d’embellissement et prend de l’ampleur au Bénin du fait d’un snobisme poussé. A l’en croire, c’est une pratique des femmes orientales qui a gagné l’adhésion des africaines (Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, etc) et qui renseigne sur l’identité surtout matérielle de la femme. « Son port fait l’objet d’une attention particulière et plus encore quand c’est à un endroit bien visible de tous comme les chevilles », a-t-il fait savoir. Même si les qualités de ces chaînes ou perles relèvent du goût de chacune des femmes les codes varient d’une femme à une autre. Pour certaines, lorsque les chaînes ou les perles sont portées aux chevilles droites comme gauches, cela a une signification. D’une femme fiancée à une femme mariée en passant par une femme libre ou une femme homosexuelle, chacune dispose de son mot de passe. « Le port de perles aux pieds dépasse le monde féminin. Car, cela relève des exigences des dieux. Un ou une adepte de Dan (Divinité du panthéon au Bénin) est obligée d’en porter aux pieds si telles sont les exigences de la divinité d’incarnation. Selon la couleur (blanc, bleu, jaune, rouge et vert, etc), un initié pourrait décoder le message et savoir quelle divinité incarne le porteur ou la porteuse. Ceci créé une harmonie et une symbiose entre l’adepte et la divinité pour une meilleure optimisation de la relation avec le devin. Le reste est du domaine du sacré », a-t-il ajouté.

Un dualisme entre le physique et le spirituel

Au-delà d’une simple mode, le port des chaînes ou perles revêt une dimension spirituelle ignorée. Pour Hounnongan Zankoukou, Chef de la divinité « Thron Kpétodéka » à Agnangnan, commune d’Abomey, le port de perles ne doit pas se limiter à une simple mode. « Cela ne doit non plus être une simple exhibition. Car, les chaînes ou les perles ont des dimensions métaphysiques quel qu’en soit les matières de fabrication. Donc, il est toujours nécessaire d’être en adéquation avec ses objets que l’on porte », a-t-il martelé. Selon lui, un adepte d’une divinité « X » qui s’ignore et qui va mettre les parures d’une divinité « Y » met sa vie en inadéquation avec le monde spirituel. Une hypothèse renchérit par le Chercheur en spiritualité africaine, Fidèle Vodounou. « Je ne recommanderai pas personnellement le port fantaisiste des perles aux pieds, surtout chez les femmes, car la barrière entre le physique et le spirituel n’est pas totalement étanche. Il y a des risques d’influences, parfois négatives », a-t-il conclu.

Brice KOCOU