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Athanase Bocco de Pro Médicale réagit au communiqué sur les sirops: « Il faut une médiatisation à outrance…la santé, c’est l’information de la population »

Président Directeur Général de l’Agence Pro Médicale et représentant du Laboratoire Ajanta Pharma au Bénin, Athanase Bocco a réagi par rapport au Communiqué de l’Agence Béninoise de Régulation Pharmaceutique (ABRP) sur les sirops (PROMETHAZINE, KOFEXMALIN, MAKOFF et MAGRIP)  du Laboratoire indien Maiden Pharmaceutical Limited qui ont fait d’énormes pertes en vies humaines de petits enfants en Gambie. Pour le PDG de Pro Médicale, la lutte contre ces produits ne va pas seulement se limiter à des communiqués. Il faut aller au-delà et sensibiliser la population à travers une médiatisation à outrance. A l’en croire, le gouvernement doit mettre des moyens suffisants à la disposition de l’ABRP pour parachever la lutte. La vie des populations en dépend.   

Comment se passent les AMM pour qu’on en arrive à avoir sur le marché des produits qui causent de torts aux patients après ?

C’est une première pour moi de voir des journalistes s’intéresser à la chose. La mise d’un produit sur le marché n’est pas une chose aussi simple. C’est un processus de longue haleine. Le laboratoire fabrique d’abord le produit en modèle échantillon et le met à l’appréciation du pays choisi. Ensuite, il prépare le dossier (pharmacocinétique, pharmacodynamique, études cliniques, etc) sur le produit. Après, le laboratoire choisit un représentant dans un pays. C’est ce dernier qui ira déposer le produit à la Direction des pharmacies appelée aujourd’hui ABRP. Permettez-moi de saluer le fonctionnement de cet office qui abat un travail formidable. Alors, vous allez faire les formalités administratives. S’il s’agit d’un nouveau produit, pour payer une quittance de 500.000 FCFA et si c’est un renouvellement, il faut payer 250.000 FCFA. Au passage, une licence de mise sur le marché dure 5 ans de validité. Ainsi, une fois ces étapes (étapes administratives, étapes cliniques et étapes vente du produit) franchies, il y a une Commission d’homologation qui statue sur le produit pour émettre un avis favorable ou non.

Pourquoi assiste-t-on à ces dérives malgré ces mesures ?

Ceci dit, il y a beaucoup de faux sur la ligne. Ce n’est pas la faute du Bénin ni des pays africains. Actuellement, un gros travail se fait au niveau des huit pays de l’UEMOA pour l’obtention de cette AMM. Il est important de savoir qu’un autre pays a déjà cette AMM en dehors du Bénin et en qui le Bénin fait confiance. Le véritable problème aujourd’hui, c’est qu’il y a aujourd’hui des laboratoires qui n’existent que de nom, sur papier. Jadis, la Direction des pharmacies exigeait une visite physique avant de donner l’AMM. Je ne sais pas si la pratique continue. Mais, de fait que certains laboratoires n’existent que sur papier, ils ne peuvent pas fabriquer un petit comprimé soit-il. Or, ils viennent s’installer quelque part, ils ont un bureau et ils disposent d’une adresse.

Comment cela se passe ?

Vous savez, il y a quelque chose que nous appelons CPHI (Conférences Internationales des Pharmacies) auxquelles je participe souvent. Donc, il y a des laboratoires qui sont là pour fabriquer et qui ne viennent pas sur le marché. Ces laboratoires sont là pour vendre des principes actifs. On se lève pour créer un nom, on achète le principe actif. Après,  on dit au laboratoire, fabriquer moi tels produits. Le hic, s’il faut 100 mg pour fabriquer 100 comprimés, il peut demander au fabricant de lui faire 50 comprimés avec les 100 mg. Alors, il peut surdoser. Lorsqu’un malade prend un produit et que sa douleur passe vite, il est content. Mais il ne soucie plus des effets secondaires et des conséquences lointaines  que cela engendreraient. Il ne s’en rend pas compte. D’où le cas des sirops.

Parlons alors de ces sirops qui ont fait des ravages en Gambie et qui ont suscité ce communiqué au Bénin. Alors, quelle doit être l’attitude des populations ?

J’ai lu le Communiqué de l’ABRP que j’apprécie d’ailleurs. Toutefois, le problème est tout autre. Combien de gens peuvent garder les noms de ces produits. Au moins, 10%. Donc, ils sont 90% qui ne connaissent pas ces noms-là. Si ces produits circulent dans nos villages et campagnes, nous sommes impuissants. Le problème fondamental, il faut aller au-delà du Communiqué et procéder rapidement au retrait de ces sirops. Imaginez la pauvre mère à qui on dit que tel produit guérit la toux. Elle l’achète dans un village quelque part, comment peut-elle lire le nom afin d’alerter l’ABRP. D’où, une médiatisation à outrance. Je persiste et je signe, la santé, c’est l’information de la population.  La population doit être informée sur ce qu’elle prend. Seul l’OMS reste l’institution qui connaît les dosages qu’il faut et les proportions de prise des médicaments. Rares sont ces laboratoires qui sont pré qualifiés par l’OMS. J’ose croire que les contrôles intempestifs continuent de se faire dans les pharmacies au Bénin. En effet, le contrôle consiste à choisir au hasard dans ces pharmacies des produits sur lesquels on fait des analyses pour voir s’ils sont conforment aux normes. Non seulement ils le font à l’interne, ils envoient également le produit dans un autre laboratoire à l’étranger pour la contre-expertise. Ont-ils les moyens de leur mission ? C’est une autre équation.

Alors, que faire ?

Il faut exhorter le gouvernement qui a mis en place une bonne  politique de leur permettre d’aller jusqu’au bout. C’est facile d’avoir des informations  sur un produit qui doit être mis sur le marché. Est-ce que le produit existait, sous quel nom, sur quel continent ? Le laboratoire Ajanta étant très grand aujourd’hui (il vient de gagner  pour la troisième fois,  le 22 septembre 2022 le premier prix des laboratoires en Inde. Ndlr), nous nous entendons d’abord avant toute AMM y compris le nom du produit. Ce n’est pas un travail qui est fait au pifomètre.  Je demande à l’Etat béninois de faire la part des choses entre les petits et les grands laboratoires. Il y a de petits laboratoires dans ce pays qui se la coulent douce. Moi, j’ai eu cas pareil, il fut un temps. Mais nous avons retiré tout le produit du circuit. C’était en nombre. Et c’est la Direction des pharmacies qui s’était chargée  de la destruction. Donc, l’État n’a qu’à mettre davantage les moyens à disposition de l’ABRP pour de résultats probants.

Propos recueillis par Ambroise ZINSOU